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Contre le renseignement abusif

Publié le par Ducarouge Lenaïc

Contre le renseignement abusif

Tous les événements ont des conséquences.

Il y a quelques mois, une liberté a été bafouée par colère. L'humour a été brisé, l'ironie sacrifiée, et la peur a commencé à balayer de plus en plus de certitudes. L'angoisse a traversé le monde comme une déferlante atroce. Pire que ces avalanches qui ne font que réveiller les animaux perdus. Pire que ces armées à découvert, devant les plus grandes Cités, qui hurlent leur détermination et leur courage à la face du monde. Pire que la perte de cet être cher qui a bercé nos vies et qui a élevé nos réflexions.

Alors, on a pensé que des idées florissantes allaient naître. Ce jour-là, si tous sortaient dans les rues, n'était-ce pas pour hurler une liberté pour laquelle ils étaient prêts à se battre ? Et cela contre une menace qui se cache au plus profond des couloirs, sous les lits de tous ? Tous sortaient sans se soucier d'une quelconque sécurité : peu importe, si la liberté et sa plus belle vision – l'humour – pouvaient être broyées, alors il fallait hurler et s'élever.

 

Mais le monde est si différent. Nous sommes à l'intérieur d'une époque sans conviction, sans véritable idée, si bien que les idéaux les plus fondamentaux sont regardés comme des folies. Si bien que la liberté, la paix et la cristallisation du bonheur sont indéfendables : considérés comme des cadavres d'êtres à peine nés, ils s'écrasent sur eux-mêmes.

Toutes ces luttes passées nous offraient la possibilité d'être heureux. Et même si la liberté n'était déjà qu'une illusion, elle possédait un semblant de réel.

La sur-communication brisait déjà une liberté. Tant de voix noie l'essentiel.

La sur-exposition donnait – et donne aujourd'hui encore – la certitude à ces gens de vivre heureux. Regardez-moi, je nage dans le bonheur ! Et il se noie dans l'inconscience...

Désormais on demande la sur-paix, afin de détruire tout ce qui est angoissant.

 

Quelle intelligence ! Persuader par la télévision que la majorité des êtres sont au courant des faits. Faire croire que cette vision du bonheur des autres ne peut qu'être une vérité, parce que tout ne peut qu'être vrai sur internet. Ils veulent une paix suprême.

Pourquoi faut-il que tous ce qui a été construit disparaissent soudain ? Pourquoi ces hommes, qui pensent être assis sur le trône du savoir et de la sur-connaissance, nous imposent la peur d'être vu et suivi, comme des rats de laboratoire ? Pourquoi faudrait-il que cette liberté – qu'ils disent vouloir défendre – disparaisse par la folie sécuritaire ?

Pourquoi veulent-ils nous protéger des angoisses du monde ? Ne sont-elles pas omniprésentes et ne nous aident-elles pas à avancer ? Sont-ils si sûrs de leur pouvoir qu'ils en abusent désormais comme d'une hache sur le billot ?

 

Il y a quelques mois, les coups de larmes fusaient des canons de l'incompréhension. Il y a quelques mois, les hommes criaient que les mines pouvaient être plus puissantes que la folie des crachats terroristes. Il y a quelques mois, nous sortions, nus et blessés, les hommes et les femmes créaient des mouvements pour hurler une liberté d'expression qui explosait en mille éclat et qui déchirait les feuilles dessinées ça et là. Il y a quelques mois, j'étais fier d'être humain parce qu'il y avait de l'amour et de l'incompréhension dans ces voix et que je faisais partie de ces êtres qui portaient leur main à leur bouche en signe d'horreur.

Néanmoins, aujourd'hui, tout s'oublie trop vite. On fustige l'histoire en assurant que rien n'a existé. On crache sur les hommes intelligents et les sages parce qu'ils font peur et que leurs vérités annihilent les pensées nuageuses et cotonneuses de la doxa. On vomit même sur la chute de deux tours il y a plus de dix ans de cela, assurant qu'il y a manipulation et mensonge !

Oublient-ils ces morts ? Ces gens sacrifiés ? Oublient-ils que des enfants ont perdu des parents et des parents des enfants ? N'ont-ils, pour la vie, plus aucun respect ? Et à peine quelques mois plus tard, déjà certains oublient ce pourquoi ils sont descendus dans les rues, ce pourquoi ils ont participé à un mouvement.

Ils oublient puisque plus rien n'a d'importance.

 

Alors, aujourd'hui, on voit la liberté s'effacer parce que ces choses sont arrivées. On comprends que nos informations personnelles, celles qui maintiennent nos pensées hors du monde, peuvent être analysées.

S'étonneront-ils si jamais tout se brise ? En effet, si une Union Européenne, que nous pensions être synonyme de droits de l'homme, ne pense qu'à l'argent, dans ce cas nous ne penserons qu'à la fourche et la haine ! Quelle tristesse...

Oui, cette haine naît de plus en plus. Il y a quelques années, dans le fond de cette rue sombre et puante, un croquemitaine appelé Peine, s'arrachait des murs afin de gagner la population. Aujourd'hui, l'ombre a quitté la rue, s'est métamorphosé, est devenue plus intelligente. La France, ce pays dont je suis si fier, qui symbolisait à mon sens la liberté de chacun et une laïcité formidable, s'embourbe dans les fanges, la haine engrangeant la haine. Il me semble qu'ils se dirigent tous – ceux sur le trône et ceux qui se croient libres – vers les idées de ce croquemitaine.

 

J'ai peur, je crois. J'ai peur de voir la foule sortir, de les suivre et de hurler. Et devant le prisme effroyable d'un pouvoir dont je ne comprends rien, je défendrai une idée, parce qu'il « faut mourir pour des idées »... j'ai peur parce qu'il faudra mourir, mais que, tout comme Brassens, j'y ajouterai : « d'accord, mais de mort lente ». Ces gens ont-ils oublié à quel point ils se sont battus, à quel point leur propre parent se sont battus ? La haine naît chez les cœurs les plus purs parce que des parents vivent dans un kaléidoscope qu'ils ont agencé comme bon leur semblait, mettant couleur et langue de côté, observant durant des années une France qu'il pensent bafouée alors que seul le Monde est important. Leurs enfants, baignés dans une vision stéréotypée, n'ont fait que multiplier les images d'un kaléidoscope vidé de ses multiples significations.

J'ai peur de mes semblables.

 

Pourtant, n'y a-t-il a pas des voix qui se lèvent, au loin ? Une lueur à laquelle je crois. Liberté ! Liberté ! crient-ils. Et moi je crie avec eux. Je sens qu'ils s'animeront telle une chimère, qu'ils briseront une glace trop longtemps habituée à refléter une image ridicule.

Le silence obligeait autrefois l'homme à pousser sa harangue.

Les voix multiples, aujourd'hui, demandent à être tues.

Je ne pleure pas. Je veux vivre et le trait de lumières éclate dans le ciel. Un voyage se prépare. Un voyage long et difficile, je le sais. Je refuse que les femmes et les hommes ploient sous la possibilité d'une dictature de la sécurité qu'aucun de nous n'avons demandé. Je le refuse.

Un souffle. Une idée. Une lutte.

Une liberté. Voilà ce que je demande.

La liberté.

Et ce sont ces femmes et ces hommes qui s'élèveront. Je le crois.

Les idées sont comme les êtres vivants. Elles naissent, elles croissent, elles prolifèrent, elles sont confrontées à d'autres idées et elles finissent par mourir.

Bernard Werber

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